Notions de médecine chinoise

Le corps comme un jardin

C’est en observant le monde qui les entourait que les Chinois ont imaginé une compréhension originale de l’univers basée sur les concepts d’Énergie, de Mouvement dynamique (Yin/Yang) et sur l’interdépendance de l’être humain avec son environnement. Ces concepts organisés sous forme de lois sont à la base de la théorie médicale chinoise et permettent de comprendre le fonctionnement de l’être humain dans ses aspects physiologiques et psychologiques.

La médecine traditionnelle chinoise, qu’est-ce que c’est?

Vieille de quelques milliers d’années, la Médecine traditionnelle chinoise (MTC) est un « système », c’est-à-dire un ensemble de théories (explications) et de pratiques (techniques) concernant l’humain et sa santé. Sa relative complexité, pour les Occidentaux, tient surtout aux faits suivants :

  • Elle possède sa propre base philosophique et symbolique.
  • Elle voit le corps, le coeur et l’esprit comme un tout.
  • Elle s’est élaborée non pas en disséquant des morts, mais en observant des vivants. Par conséquent, rien n’est vu comme statique.
  • Elle considère les phénomènes non pas en soi, mais à partir des relations entre eux. Par conséquent, la santé d’un organe ou d’une personne dépend de multiples facteurs tous reliés entre eux.
  • Elle utilise plusieurs termes usuels dans un sens différent de ce qu’on entend habituellement en Occident.

Pour assurer le bien-être chez les humains, la Médecine traditionnelle chinoise a recours à 5 pratiques principales :

L’acupuncture, la pharmacopée chinoise, la diététique chinoise, le massage tuina, le Qi Gong

La Médecine traditionnelle chinoise a comme premier objectif d’entretenir la santé et de prévenir les maladies.

 Qi, Yin, Yang et autres grandes forces

Le principe général : l’harmonie

La Médecine traditionnelle chinoise vise d’abord à maintenir l’harmonie de l’énergie à l’intérieur du corps ainsi qu’entre le corps et les éléments extérieurs. La santé est liée à la capacité de l’organisme de maintenir la dynamique nécessaire pour affronter les agressions. En contrepartie, la maladie se manifeste lorsque l’organisme a perdu sa capacité d’adaptation.

Chaque individu possède une constitution particulière où les différents éléments interagissent, selon un équilibre qui lui est propre. C’est ce qu’on appelle le terrain. Chez deux personnes, un même symptôme (mal de tête ou difficulté à digérer, par exemple) ne relève pas, a priori, d’une même cause, mais d’un déséquilibre propre à chacune d’elles.

L’élément fondamental : le Qi

Selon la vision chinoise, qui est à la fois symbolique et pratique, tout dans l’univers est mû par une force fondamentale, une énergie appelée Qi (prononcé tchi). C’est le Qi qui fait circuler les électrons dans les atomes. Il permet aux cellules de se multiplier, aux plantes et aux êtres vivants de croître. Il anime aussi le mouvement du vent et des astres. On ne peut le voir ni le toucher. Comme c’est le cas pour l’électricité, on ne peut que percevoir ses effets. Chez l’humain, le Qi soutient tant les fonctions du corps que de l’esprit : marcher, digérer, penser, ressentir en sont toutes des manifestations.

Ce flux énergétique continu circule dans tout le corps au moyen d’un réseau immatériel, mais précis, de voies appelées méridiens. Sur le trajet des méridiens se trouvent des points cutanés, appelés points d’acupuncture, d’où l’on peut en régulariser le débit.

Lorsque le Qi est en quantité suffisante et circule bien, l’organisme est en santé, la pensée claire et les réflexes vifs. Lorsqu’il stagne, est contraint ou bloqué, on se sent faible, lourd et sans vitalité. Le Qi peut être perturbé par plusieurs facteurs, internes ou externes (voir Causes des maladies, ci-dessous).

Les deux pôles : le Yin et le Yang

Tout mouvement résulte des échanges entre deux forces opposées et complémentaires. Ces forces sont symbolisées par les termes chinois Yin et Yang. Elles s’opposent et se complètent à la fois, exprimant le dynamisme de l’énergie.

L’expansion, le mouvement, la lumière, l’agitation, la chaleur sont Yang. Le repli, l’inertie, l’obscurité, le calme, le froid sont Yin.

À la lumière et à l’activité Yang succèdent l’obscurité et le repos Yin.

Comme un jardin a besoin autant de la pluie (Yin) que du soleil (Yang), tous les organismes ont besoin des deux forces. Le Yin et le Yang sont toujours en relation dynamique : lorsque l’un croît, l’autre décroît. Dans tous les cycles naturels, le Yin et le Yang se succèdent sans cesse, comme le jour succède à la nuit, l’action au repos, l’inspiration à l’expiration et vice-versa.

Chez un individu en bonne santé, les mouvements du Yin et du Yang sont harmonieux. Mais quand l’un vient à faiblir ou à manquer, l’autre prend le dessus et se manifeste par les symptômes qui lui sont propres. Un manque de Yang, par exemple, se traduit par un teint pâle, de la frilosité, des selles molles (pâleur, froideur, mollesse étant des caractéristiques Yin).

Il importe également de savoir que pour la Médecine traditionnelle chinoise, les organes et les éléments représentent des phénomènes qui dépassent la seule fonction qu’on leur reconnaît dans notre anatomie et notre pensée traditionnelle; c’est pourquoi ils sont écrits avec une majuscule.

Les cinq mouvements : Métal, Bois, Terre, Feu, Eau

L’alternance entre l’état Yin et l’état Yang s’opère par un processus de transformation. Les Chinois ont déterminé 5 phases, appelées mouvements de ce processus. Chacun des 5 mouvements possède sa propre énergie de croissance ou de décroissance ; il porte aussi le nom d’un élément. Quand un phénomène quitte le Yin pour entrer dans le Yang, c’est le mouvement de la naissance, de l’aube, du printemps, de l’éveil, identifié par le Bois. Au sommet du Yang, c’est l’entrée dans l’âge adulte (Feu). Puis, viennent le mûrissement (Terre) et le vieillissement (Métal). Avec la mort (Eau), le phénomène se retrouve de nouveau dans le Yin.

Les 5 mouvements se donnent vie dans un ordre précis, selon la loi d’engendrement : l’Eau nourrit le Bois, qui nourrit le Feu, qui nourrit la Terre, qui nourrit le Métal, qui nourrit l’Eau.  Quant à la loi de contrôle, il fonctionne dans le même sens, mais non linéairement : l’Eau contrôle le Feu, qui contrôle le Métal, qui contrôle le Bois, qui contrôle la Terre, qui contrôle l’Eau. Les cycles d’engendrement et de contrôle forment, ensemble, un système équilibré. On s’en sert pour classifier tout phénomène naturel, mais aussi pour étudier les tissus humains et les relations des éléments entre eux.

La théorie des 5 mouvements s’applique également au tempérament d’une personne, à sa dynamique comportementale propre. Les tempéraments Bois, par exemple, possèdent une énergie expansive et sont stimulés par le défi et l’action. Ils sont nourris par les types Eau, et nourrissants pour les types Feu, mais entrent facilement en conflit avec les types Terre et Métal. Comme c’est le cas dans tout autre système de classification des tempéraments, aucun individu ne correspond à un type pur. Il est un peu de chacun, dans un équilibre particulier, avec une prédominance plus ou moins accentuée

 La Médecine traditionnelle chinoise, de l’abstrait au concret

La Médecine traditionnelle chinoise considère que le corps renferme les Organes et les Entrailles, et 5 « substances vitales ».

Les cinq substances vitales

Les 3 premières substances sont immatérielles et appelées les Trois Trésors. D’abord le Shen, qui est la conscience organisatrice, l’esprit créateur individuel. Il joue un rôle prépondérant dans la santé mentale. Ensuite le Qi, puis le Jing, l’essence, c’est-à-dire les caractéristiques intimes et spécifiques de chaque être vivant. Une certaine quantité, limitée et non renouvelable, nous est transmise par les parents : c’est le Jing inné, le capital vital de l’espèce. Par contre, l’air et l’alimentation nous fournissent du Jing acquis, ce qui permet d’entretenir le Jing inné.

À ces Trois Trésors s’ajoutent 2 substances matérielles, soit le Sang et les Liquides organiques, qui nourrissent et humidifient tous les tissus et les organes.

Les Organes

Il y a 5 Organes, chacun correspondant à un mouvement : Foie (Bois), Coeur (Feu), Rate (Terre), Poumon (Métal) et Rein (Eau). Ce sont des viscères « pleins », de nature Yin. Ensemble, ils ont pour rôle de produire, transformer et emmagasiner l’énergie, le Sang, les Liquides organiques, le Jing et le Shen. Mais chacun joue aussi des rôles spécifiques : par exemple, abriter l’esprit (le Coeur), ou faire monter le « Yang pur » (la Rate).

Les Entrailles

Vésicule biliaire (Bois), Intestin grêle (Feu), Estomac (Terre), Gros Intestin (Métal), Vessie (Eau) : de nature Yang, ces Viscères « creux » ont pour rôle conjoint de recevoir, transformer et excréter les liquides. Les Entrailles possèdent également des rôles spécifiques (l’Intestin grêle « trie le clair et le trouble »).

Les causes des maladies en Médecine traditionnelle chinoise

La plupart du temps, la Médecine traditionnelle chinoise tente de circonscrire les causes des maladies en qualifiant les types de déséquilibres (Vide, Excès, Stagnation, etc.), et en déterminant quels Viscères ou quelles fonctions ils touchent. Les causes peuvent être externes (symbolisées par des conditions climatiques), internes (surtout de nature émotive) ou autres.

Les 5 causes externes sont le Vent, le Froid, l’Humidité, la Chaleur et la Sécheresse. Ces conditions climatiques sont cause de maladies lorsqu’elles sont excessives ou lorsque l’organisme est trop faible pour les endurer. Elles attaquent alors par la bouche, le nez ou les voies cutanées. Le Vent et le Froid combinés, par exemple, peuvent provoquer des éternuements, de la fièvre, des raideurs musculaires, etc. Bien sûr, si on dit qu’une maladie est causée par un Feu du Foie par exemple, ça ne signifie pas que le Foie est physiquement plus chaud, mais qu’il est exagérément actif, qu’il prend trop de place, qu’il « surchauffe ».

Les 7 causes internes sont la Colère, le Chagrin, la Tristesse, la Frayeur, la Joie, le Souci et la Peur. En effet, la Médecine traditionnelle chinoise a toujours considéré que les facteurs émotionnels influencent fortement la santé. Chaque émotion blesse l’Organe auquel elle est associée. À titre d’exemple, la Colère blesse le Foie; et la Peur, les Reins.

  • Les autres causes sont toutes celles qui ne concernent ni les facteurs climatiques ni les émotions. Ce sont :
    – une constitution faible;
    – le surmenage;
    – une vie sexuelle excessive ou frustrée;
    – les blessures et les accidents;
    – les parasites et les poisons;
    – l’alimentation (un manque d’équilibre dans l’hygiène alimentaire).

Les modes de diagnostic en Médecine traditionnelle chinoise

Le praticien en Médecine traditionnelle chinoise cherche non pas à poser un diagnostic, mais à percevoir les perturbations susceptibles de mener à une disharmonie. La seule façon de déterminer ces perturbations est d’observer leurs manifestations. Le praticien procède donc par observations, questions et palpations.

Observations. Teint, yeux, ongles, cheveux, respiration, haleine, son de la voix, état émotif, selles et autres excrétions, etc. La langue est une source majeure de renseignements, tant par son volume, sa forme, sa couleur, sa texture, que par les caractéristiques de l’enduit blanchâtre qui la recouvre.

Questions. Sur les malaises, les antécédents familiaux, le sommeil, l’appétit, etc.

Palpations. Texture, humidité, température et élasticité de la peau; tonus musculaire; excitabilité des tissus, etc. Le pouls est également un mode de diagnostic fondamental, car il permet d’examiner le Qi. En effet, c’est grâce à la force du Qi que le sang circule. Le praticien prend 3 pouls différents, avec 3 doigts, sur l’artère de chaque poignet. Le premier pouls donne de l’information sur la poitrine, le deuxième sur le haut de l’abdomen, le troisième sur le bas de l’abdomen. Au poignet gauche correspondent les organes Yin et au poignet droit, les organes Yang. On attribue différentes caractéristiques aux pouls (rapide, flottant, percutant, faible, vigoureux, fluide, noyé, etc.), chacune étant un indice. Certaines caractéristiques peuvent se combiner.

Pour interpréter les données, le praticien doit se référer aux 8 principes directeurs : Yin/Yang, Chaud/Froid, Vide/Excès, Intérieur/Extérieur. Avec ceux-ci, il pourra déterminer les caractéristiques (état, qualité, situation) du Qi dans le corps. Ces caractéristiques lui permettront de prescrire le ou les traitements les plus appropriés, que ce soit un changement de diète, un traitement d’acupuncture ou la pratique d’exercices de Qi gong par exemple.